Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Humeur de nain

L’important c’est le mouton, pas les pattes.

18 Mars 2016 , Rédigé par Philippe Blard Publié dans #Humeur

Petite chronique d’un candidat qui, ne lisant pas Rabelais, ignora que le recruteur fut monsieur Panurge.

L’important c’est le mouton, pas les pattes.

En matière de recherche d’emploi, les "coachs" -qu’ils soient auto proclamés ou plus sérieux- ressassent aux jeunes et moins jeunes moult conseils et injonctions souvent contradictoires pour décrocher le poste tant espéré et sur lequel le candidat doit, de l’avis général, faire la différence.

Je vous ferai grâce de la 450ème révision du CV pour coller au plus près de la demande ou de l’attente supposée du recruteur, et de la sacro-sainte lettre de motivation pour aller ici à l’essentiel : l’entretien final de recrutement. Celui que l’on prépare des heures durant, en "Google-isant" son futur employeur, en appelant son réseau pour d'incontournables précisions, afin de tacher d'avoir une appréhension stratégique de la "boite" et mieux cerner de ce que l’on peut y apporter.

Chers "coachs" et autres conseilleurs non payeurs, oubliez vos concepts et autres préceptes censés nous permettre de nous améliorer car vous oubliez l’essentiel : dans la recherche du mouton à cinq pattes, l’essentiel c’est le mouton pas les pattes !

Après un entretien de recrutement récent, j’ai enfin pris et de façon définitive toute la mesure de la "médiocratie", cette révolution qualifiée d’anesthésiante par le philosophe Alain Deneault. Ce qui jusqu’alors n’était pour moi qu’un concept critique, plaisant à picorer ici ou là au gré de mes lectures, puis à en trouver des représentants de plus en plus nombreux dans notre représentation nationale, devint le 17 février une réalité probante. Je dois remercier ici la consultante qui m’avait positionné sur ce poste pour le retour complet qu’elle me fit de mon entretien et de la décision finalement actée à son grand regret. Ainsi, de l’avis unanime des trois "décideurs" rencontrés ma prestation a été "brillante". Je fus, affirment-ils, le seul candidat à avoir eu une vraie capacité d'analyse et une vision de la déclinaison de leur projet d'entreprise. Mais je ne pouvais être retenu car ma personnalité serait trop "militante" dans leur organisation "ouatée", et après hésitation ils ont préféré envisager un candidat moins visionnaire mais qui bousculerai moins leur "collectif de direction" ! Puis finalement un "technicien" ne faisant pas non plus l'affaire, ils relancèrent un nouveau processus de recrutement, en augmentant le salaire afin de s'assurer de trouver le mouton à cinq pattes. J’en prends donc acte et laisse le philosophe nous rappeler que la révolution anesthésiante est en marche : Celle qui nous invite à nous situer toujours au centre, à penser mou, à mettre nos convictions dans notre poche de manière à devenir des êtres interchangeables, faciles à ranger dans des cases. Surtout ne rien déranger, surtout ne rien inventer qui pourrait remettre en cause l'ordre économique et social.

Un conseil néanmoins messieurs les Panurges, prenez garde que les chômeurs et autres exclus de votre triste révolution anesthésiante ne s'organisent en meute et finissent par vous chasser, vous et vos moutons.

* La Médiocratie, éd. Lux (2015) / http://www.telerama.fr/idees/en-politique-comme-dans-les-entreprises-les-mediocres-ont-pris-le-pouvoir,135205.php

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article